Elles sont difficiles d'accès, la vie y est coûteuse et le soleil n'y brille pas tous les jours. Qu'importe. Ces îles d'Ecosse cultivent les plaisirs rudes, la nature qui ne s'en laisse pas compter et les paysages sublimes nés d'une joyeuse confusion entre terre noire, mer chahuteuse, pâtures grasses et ciel bas. Amateurs de lagons tièdes, passez votre chemin, les Hébrides revendiquent un autre tempérament.
Peut-être au fond, sont-elles de la même trempe que le whisky qu'elles produisent. Divine alchimie de malt, d'eau, de saveurs tourbées, d'embruns, de talents...
Certes, pour visiter ce chapelet d'îles ancrées à l'ouest de l'Ecosse, il faut n'être comptable ni de son temps ni de sa peine, sauter d'un ferry à l'autre, ne jamais se séparer de son imperméable, apprécier les nuits ventées et les chambres simples. Mais en retour, voilà rien de moins que l'authentique: des paysages violents posés sur écran géant, des villages à l'accent rugueux, des côtes ciselées où nichent des millions d'oiseaux de mer... A savourer sans aucune modération, avant d'aller humer puis tester l'un de ces single malt qui font la gloire de l'archipel.
Les Hébrides comptent une dizaines d'îles dignes de ce nom et des centaines d'îlots parfaitement déserts. Face à l'Atlantique, quelques-unes de ses perles font la joie des amateurs de nature.
Une capitale miniature, Port Askaig, des falaises raides peuplées de macareux et de goélands, de mouettes et de pétrels, des plages que la marée basse rend aux pingouins miniatures, des fermes massives qui abritent le troupeau de moutons, des pubs gardiens de tous les secrets... Et un surnom, "l'île des brumes", qui dit son ambiance de mystère autant que les caprices de son climat. Islay (3 400 habitants) est vaste, 40 kilomètres de longueur et 30 de largeur, et relativement fréquentée.
Sans doute pour ses huit distilleries, un record: Bowmore, Ardbeg, Lagavullin, Bruichladich, Laphroaig, Caol Illa, Bunahabian et Port-Hellen. Une sorte de temple des saveurs qui laisse en permanence flotter comme un doux parfum de tourbe, de bruyère et de caramel. Ici, les Français ont la cote. Certes, nous sommes parmi les premiers amateurs de single malt. Mais, surtout, personne n'a oublié la "Auld alliance" (1296), lorsque les bataillons de Frenchies sont venus prêter main forte aux Ecossais qui guerroyaient contre l'Angleterre...
Définitivement sauvage, désolée, difficile d'accès, l'île de Jura passe pour une sorte de bout du monde. Du reste, elle n'est traversée que par une seule route qui rebondit sur ses bosses arides dominées par les Paps of Jura, modeste montagne de 730 mètres d'altitude dont les chemins tracés à l'abri de la forêt font le bonheur des randonneurs. Ses sommets en forme de seins lui valent nombre de plaisanteries au pub de Craighouse, le seul village (158 habitants). La distillerie aux murs vert et blanc fabrique le très fameux Isle of Jura. Quant au reste de l'île, il est abandonné aux troupeaux de moutons et de vaches des Highlands aux longs poils. Les urgences du monde patienteront un peu.