DÉCOUVERTE
En Afrique de l'Est, sur la piste des rois de la brousse.
Edward le ranger sourit et soupire. C'était plus simple autrefois. Pour peu qu'on ait une fille en tête et qu'on souhaite se marier, il suffisait de chasser le Kori Bustard. C'est une sorte de petite cigogne d'une vingtaine de kilos, l'oiseau le plus lourd d'Afrique. Il était quand même très difficile à attraper mais on y arrivait. Alors on l'offrait au chef. Il le dégustait et vous accordait la main de la fille. Maintenant il faut apporter huit vaches dans la corbeille de mariage, ce qui suppose beaucoup d'argent, et de temps pour le réunir.
Jonathan Lewis, lui, est heureux. A 27 ans, il a réalisé son rêve : il pilote un petit bimoteur à travers le Botswana. Sur les murs de sa chambre d'adolescent, il n'a jamais épinglé des photos de pin-up ou de rock stars, seulement d'avions. Pour payer ses cours de navigation, il a fait tous les métiers ou presque : il a même dessiné des meubles de bureau. Ce n'était pas passionnant. Aujourd'hui quand Jonathan, qui a déjà six cents heures de vol, doit remettre les gaz parce que la piste d'atterrissage d'herbe est envahie par les antilopes, il se dit que tant d'efforts valaient la peine.
Et Douglas Groves ? Enfant, à Portland aux États-Unis, il séchait l'école pour aller au zoo. Il n'y faisait rien, il regardait simplement les bêtes, il attendait de grandir pour être avec elles. Et il a grandi. Et il a été engagé au zoo, et dans des cirques, et au cinéma où il s'occupait des éléphants qui faisaient l'acteur. Un jour, c'était en 1987, il est venu au Botswana pour un film. Il n'en est plus reparti. Il a une bonne quarantaine et, chaque jour, il a l'impression de vivre Out of Africa. C'est le bonheur.
En apparence, ce sont trois vies banales. Pas besoin d'aller si loin pour découvrir ça, diront les sceptiques à la recherche de l'extraordinaire. Sauf que l'extraordinaire est déjà le pays lui-même. Il est plat, un océan sablonneux et broussailleux, et il est beau...